- SOUS-MARINS - Sous-marins civils
- SOUS-MARINS - Sous-marins civilsLe sous-marin est par définition un navire capable de naviguer sous l’eau en complète autonomie par rapport à la surface, c’est-à-dire sans aucun lien matériel avec quelque navire ou plate-forme flottante que ce soit, et notamment sans aucune relation avec l’air atmosphérique.Depuis la plus haute antiquité, la navigation sous-marine a passionné les inventeurs. Il y a cependant à peine plus d’un siècle que furent construits les premiers sous-marins opérationnels. Encore faut-il noter que ces réalisations étaient purement militaires, mettant à profit l’un des principaux avantages du sous-marin sur le navire de surface: la discrétion (cf. SOUS-MARINS - Sous-marins militaires).Paradoxalement, les premiers sous-marins civils furent conçus pour être capables d’atteindre les plus grandes profondeurs, soit 4 000 mètres, puis 11 000 mètres, et cela en moins de dix ans, entre 1950 et 1960: c’est l’ère des bathyscaphes, qui ont ouvert la voie à l’exploration sous-marine.À partir de 1960, les sous-marins deviennent plus nombreux et sont généralement limités à des profondeurs plus faibles: c’est l’époque du développement intensif des sous-marins de recherche océanographique et des sous-marins à usage industriel.Enfin, les décennies de 1980 et de 1990 peuvent être caractérisées par un net ralentissement de cette expansion, mais aussi par une belle réussite des engins permettant d’atteindre de nouveau de grandes profondeurs.Les origines du sous-marinLes sous-marins civils, au sens où nous l’entendons ici, englobent tous les véhicules non militaires capables d’emmener des hommes à une certaine profondeur, une centaine de mètres au moins, à l’exclusion des véhicules télécommandés qui constituent cependant un complément indispensable aux véhicules sous-marins habités. Mais, conformément à une observation trop souvent vérifiée dans l’histoire, ce sont les besoins militaires qui ont permis le développement de la navigation sous-marine.Dans l’Antiquité, l’homme a su très tôt plonger sous la surface des eaux, sans autre précaution que d’y emmener sa provision d’air respirable, fût-elle réduite à l’air contenu dans ses poumons. On a coutume de faire remonter à Alexandre le Grand, trois siècles avant notre ère, l’expérimentation du premier engin sous-marin, en forme de tonneau et, semble-t-il, réalisé en verre. Encore faut-il préciser que ce tonneau était en fait une cloche de plongée, reliée à la surface par un câble.De nos jours, l’invention du scaphandre autonome, la mise au point de mélanges gazeux convenables, le développement des systèmes de plongée industriels ont permis d’atteindre la profondeur maximale de 600 mètres en plongée (cf. plongée SOUS-MARINE).Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour assister aux essais du premier véritable sous-marin, la Tortue de l’Américain David Bushnell. Construit en l’an 1776, pendant la guerre d’indépendance américaine, cet engin comportait déjà les principaux organes constituant les sous-marins d’aujourd’hui: une coque ovoïde en cuivre, résistant à la pression, un ballast à eau de mer qu’il suffisait de remplir pour plonger, un régénérateur d’air, un hublot et même une hélice qu’il fallait faire tourner à la main! Il s’agissait du premier sous-marin de combat, destiné à placer une charge d’explosif sous la coque du bâtiment ennemi.À la même époque, en 1798, un autre Américain, Robert Fulton, procéda aux essais, en France, d’un sous-marin à coque en bois, le Nautilus . Son invention était, comme celle de Bushnell, à objectif militaire. Mais cette arme redoutable, car invisible, heurtait encore violemment les sentiments de l’époque.À la suite de ces deux inventions de génie, la seconde partie du XIXe siècle vit éclore une floraison de projets de véhicules sous-marins, tous conçus à des fins militaires, bénéficiant des derniers progrès technologiques. Mais tous les prototypes réalisés à cette époque présentaient de graves défauts, les rendant inaptes à des interventions efficaces.En France, la conception des sous-marins va faire des progrès remarquables avec le Gymnote de l’ingénieur du génie maritime Gustave Zédé et le Narval de l’ingénieur du génie maritime Maxime Laubeuf, ce dernier sous-marin pouvant recevoir l’appellation de «submersible», notion qui sera reprise par toutes les marines militaires du monde.Le Gymnote possédait une double coque favorisant des formes aptes à la navigation de surface, mais aussi un double appareil moteur: un moteur Diesel pour la marche en surface et un moteur électrique sur batteries pour la propulsion en plongée. Ce système restera indispensable à la navigation sous-marine jusqu’à l’apparition du moteur unique idéal: le moteur nucléaire.Mais pourquoi les sous-marins civils ne sont-ils pas apparus plus tôt? Pourquoi l’océanographie n’a-t-elle utilisé que des navires de surface jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale? Sans doute en grande partie à cause de la peur engendrée encore aujourd’hui par les sous-marins.Les bathyscaphesLes premières plongées profondes datent de 1930: deux Américains, William Beebe et Otis Barton, atteignaient 900 mètres de profondeur dans une sphère en acier moulé, munie de hublots en quartz, suspendue au bout d’un câble. Ce record restera inviolé jusqu’en 1954.Mais la présence du câble limitait par trop les possibilités: il fallait concevoir un engin autonome. C’est le mérite du professeur Auguste Piccard, de nationalité suisse mais professeur à l’Université libre de Bruxelles, d’avoir imaginé et réalisé le premier engin sous-marin autonome, qu’il baptisa bathyscaphe , en transposant sous la mer le principe du ballon libre atmosphérique.La nacelle du ballon libre était remplacée par une sphère en acier moulé résistant à la pression ambiante, le ballon gonflé à l’hélium était remplacé par un flotteur rempli d’essence ultralégère (de densité égale à 0,65) et mise en équipression avec l’eau de mer. Le lest était constitué de fine grenaille d’acier retenue par électro-aimants.Le Fonds national de la recherche scientifique (F.N.R.S.) belge avait déjà financé le ballon stratosphérique qui avait permis au professeur Piccard d’atteindre l’altitude record de 16 000 mètres en 1936. Ce ballon avait été baptisé F.N.R.S. I . Le premier bathyscaphe fut baptisé F.N.R.S. II .Malheureusement, en 1948, les essais se soldèrent par un semi-échec, le flotteur en alliage léger n’ayant pas résisté à une modeste houle de surface. Néanmoins, la profondeur de 1 380 mètres fut atteinte sans passagers, et le F.N.R.S. confia à la Marine nationale française le soin de reconstruire l’engin, avec l’aide financière française du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.).Le bathyscaphe F.N.R.S. IIILa sphère du F.N.R.S. II , en acier moulé, fut réutilisée, suspendue sous un nouveau flotteur, construit par l’arsenal de Toulon, en tôle d’acier, plus résistante que la tôle d’aluminium du précédent!Le flotteur fut surmonté d’une passerelle, un puits vertical d’accès à la sphère permettant d’embarquer au dernier moment. Ce puits jouera le rôle du water-ballast du sous-marin: rempli d’eau de mer au moment de la prise de plongée, il alourdira suffisamment l’engin pour amorcer la descente.Ce fut d’abord l’ingénieur du génie maritime André Gempp, responsable de l’entretien des sous-marins basés à Toulon, qui commença le projet. L’ingénieur du génie maritime Pierre Willm lui succéda au début de l’année 1952. Le capitaine de corvette Georges Houot fut désigné par l’état-major de la marine pour prendre le commandement de l’engin, qui sera baptisé F.N.R.S. III , en hommage aux Belges qui ont fait don de la sphère du F.N.R.S. II à la France.Dès le mois d’août 1953, Houot et Willm atteignirent la profondeur de 2 100 mètres au large de Toulon. Mais, pour terminer les essais de ce premier bathyscaphe, conçu pour plonger jusqu’à 4 000 mètres, profondeur moyenne des mers, il fallait l’emmener par cargo au-dessus des grandes fosses de l’océan Atlantique, au large de Dakar. Une plongée sans passagers à 4 200 mètres fut d’abord exécutée, sur des fonds de plus de 4 500 mètres, cela afin d’éviter tout contact avec le fond. Et le 15 février 1954, vers 10 heures du matin, le F.N.R.S. III se posait sur le fond de l’océan, par 4 050 mètres de profondeur: l’exploration des grandes profondeurs océaniques avait véritablement commencé.Le bathyscaphe ArchimèdeDès la fin des essais à 4 000 mètres, la Marine nationale et le C.N.R.S. décident la mise à l’étude, puis la construction, d’un deuxième bathyscaphe. C’est de nouveau l’arsenal de Toulon qui reçut l’ordre de mise en chantier. L’objectif était de construire un engin capable d’atteindre les plus grandes fosses connues à ce jour, soit 11 000 mètres de profondeur. L’engin fut baptisé Archimède .Pendant ce temps, et jusqu’en 1960, le F.N.R.S. III effectua une centaine de plongées profondes, limitées à 4 000 mètres, immersion maximale pour laquelle il avait été conçu.La mise à l’eau d’Archimède eut lieu en juillet 1961, suivie par les premiers essais au large de Toulon, où les fonds ne dépassent pas 2 500 mètres. Il fallut ensuite transporter le bathyscaphe au Japon, sur le pont d’un cargo, pour effectuer les plongées d’essais à la profondeur maximale dans l’une des grandes fosses de l’océan Pacifique.Le 15 juillet 1962, l’Archimède atteignait la profondeur de 9 200 mètres dans la fosse des Kouriles, au large du Japon.Le 25 juillet 1962 eut lieu la première plongée scientifique, dans la même fosse des Kouriles, à une profondeur légèrement supérieure à la précédente, 9 500 mètres (le pilote était le lieutenant de vaisseau O’Byrne et les passagers H. G. Delauze et le professeur Sazaki). Puis l’Archimède fit près de deux cents plongées, jusqu’à l’expédition F.A.M.O.U.S. (French American Mid Oceanic Underwater Survey), en 1973-1974, programme franco-américain qui terminait l’exploitation du deuxième bathyscaphe français.Les bathyscaphes Trieste et Trieste IIQuant au professeur Piccard, d’abord associé aux travaux du F.N.R.S. III en tant que conseiller scientifique, il demanda à reprendre sa liberté pour faire construire un engin semblable en Italie... On apprit alors par la presse que cet engin, appelé le Trieste , avait plongé en Méditerranée, jusqu’à 3 150 mètres, le 30 septembre 1953, au large de l’île de Ponza (avec, à son bord, le professeur Auguste Piccard et son fils Jacques). La course aux grandes profondeurs était désormais engagée. Le Trieste , après de nombreuses plongées en Méditerranée, fut racheté en 1958 par la Marine américaine, et il fut doté d’une nouvelle sphère construite par Krupp en Allemagne. En octobre 1959, le nouveau Trieste était prêt et, le 23 janvier 1962, il effectuait une descente limite de 10 916 mètres, dans la plus profonde des fosses, celle des Mariannes, près de Guam. Le bathyscaphe américain était piloté par Jacques Piccard et le commandant Don Walsh, officier de l’U.S. Navy.Après ce record imbattable, le Trieste I fut ensuite modifié, limité à 6 000 mètres, et, sous le nom de Trieste II , fit de nombreuses plongées scientifiques et militaires jusqu’en 1986.Le développement des sous-marins civilsAprès l’épopée des bathyscaphes, on assiste à la naissance d’une multitude de projets de petits sous-marins, dont les performances sont beaucoup plus faibles, mais aussi les poids moindres et les coûts moins élevés, et qui peuvent être classés de différentes manières.Le tout premier d’entre eux fut encore un engin français: il s’agissait de la soucoupe plongeante du commandant Jacques-Yves Cousteau, qui fit ses premiers essais en 1960. Conçue par l’ingénieur Jean Mollard, cette soucoupe fut d’abord limitée à 300 mètres, puis homologuée pour 350 mètres.Rendue célèbre par les films de Cousteau, et mise en œuvre à partir de son fameux navire océanographique, la Calypso , la SP 350 est encore en service en 1995, ce qui constitue une performance unique au monde. Ses caractéristiques méritent d’être rappelées, car elles ont fait école.Principes de fonctionnementLes soucoupes plongeantes, puis les sous-marins qui les ont suivies à partir de 1960, bénéficièrent largement des progrès accomplis dans la technologie des équipements sous pression, grâce aux bathyscaphes et également aux sous-marins militaires. En effet, les principes de fonctionnement de ces appareils ne diffèrent pas fondamentalement de ceux des bathyscaphes, sinon que la faiblesse de leur déplacement, généralement moins de 10 tonnes (quelques dizaines de tonnes pour les plus gros d’entre eux), permet de les transporter sur le pont d’un navire, qui doit pouvoir les mettre à l’eau et les récupérer au moyen d’une grue.En ce qui concerne les bathyscaphes, leur déplacement, compte tenu de leur important réservoir d’essence, dépasse toujours la centaine de tonnes: ils doivent donc être remorqués.La première soucoupe avait une coque en forme d’ellipsoïde, les engins suivants seront équipés de coques sphériques ou cylindriques, généralement en acier, puis en matériau composite (on verra plus tard se développer le concept de sphère en «acrylique», autrement nommé Plexiglas) et, pour les engins profonds, en titane.Le choix définitif des formes et du matériau de construction est évidemment fonction de la profondeur maximale pour laquelle l’engin est conçu. Jusqu’à 200 ou 300 mètres d’immersion maximale, le poids de coque du sous-marin reste plus faible que la poussée d’Archimède (qu’on appelle également déplacement de cette coque). Il n’est pas nécessaire d’y adjoindre de flotteurs pour assurer l’égalité entre poids et poussée, donc l’équilibre est hydrostatique.À des profondeurs supérieures, pour réaliser cet équilibre, on doit ajouter un matériau plus léger que l’eau, appelé matériau de flottabilité. C’est en cela que réside toute la différence entre les sous-marins et les bathyscaphes: l’essence du flotteur a été remplacée, dans tous les petits sous-marins construits après 1960, par un matériau solide et plus léger que l’eau. Ce matériau, appelé «mousse syntactique», est constitué de microbilles de verre incluses dans une résine, dont la densité peut être réduite à des valeurs extrêmement basses, 0,50 par exemple pour un flotteur utilisable jusqu’à 6 000 mètres.Les autres progrès liés à l’évolution des sous-marins sont relatifs aux sources d’énergie, à la propulsion, aux équipements de navigation et de détection, à la régénération de l’air, etc.Les sous-marins scientifiquesAprès la soucoupe SP 350 , baptisée Denise , le Centre d’études marines avancées (C.E.M.A.), présidé par le commandant Cousteau, construisit deux petits sous-marins monoplaces, les «puces de mer», ou SP 500 , pour 500 mètres d’immersion maximale, puis, à leur suite et sous licence, la société Westinghouse construisit une seconde soucoupe, Deepstar ou DS 4 000 (pour 4 000 pieds.Le Centre national pour l’exploitation des océans (Cnexo), qui venait d’être créé en France, terminait en 1970 la construction d’une cinquième soucoupe, baptisée aujourd’hui Cyana (initialement SP 3 000 ), qui peut plonger jusqu’à 3 000 mètres et qui possède tous les équipements modernes de prélèvement et de navigation possibles.Parmi la centaine de sous-marins construits à des fins scientifiques durant cette période, la plupart étaient limités en profondeur accessible aux 1 000 premiers mètres, ce qui constituait un domaine déjà suffisamment vaste. Une dizaine d’entre eux seulement pouvaient plonger jusqu’à 2 000 mètres: ce sont les Pisces construits par la société canadienne Hyco. Les constructeurs se répartissaient entre cinq ou six pays: la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Canada.On peut classer ces sous-marins de recherche en deux grandes catégories. D’une part, les sous-marins limités à l’observation: ils sont équipés de hublots en Plexiglas et de télémanipulateurs. C’est le cas des soucoupes du C.E.M.A., les engins de la société américaine Perry Cubmarine, les premiers sous-marins de la société française Comex (déplacement inférieur à la dizaine de tonnes, équipage de deux ou trois passagers). D’autre part, les sous-marins dits lance-plongeurs: un compartiment reste à la pression atmosphérique, l’autre peut être mis en pression pour la sortie de plongeurs, jusqu’à 150 mètres au maximum. Tels sont les Moana de Comex, le Deep Diver et le Shelf Diver de Perry (déplacement supérieur à 10 tonnes, équipage d’au moins deux hommes et deux plongeurs).Si les premiers de ces sous-marins dits «crache-plongeurs» ont bien été réalisés à des fins scientifiques, il est préférable de les classer avec les sous-marins industriels que nous allons examiner maintenant.Les sous-marins industrielsC’est à partir de 1960 que les besoins de la prospection pétrolière en mer ont permis un développement extraordinaire de la plongée dite commerciale, avec les systèmes caissons-tourelles qui sont toujours utilisés sur les plates-formes dites offshore.Cependant, les opérations faisant intervenir des plongeurs à saturation sont, on le sait, toujours risquées. Les plongeurs ne sont utilisés que lorsqu’on ne peut pas faire autrement. L’industrie pétrolière a toujours affirmé qu’elle mettrait au point des méthodes entièrement diverless , c’est-à-dire sans plongeurs. Et l’avenir lui a donné raison. C’est pourquoi les constructeurs de sous-marins ont cru un moment que les véhicules sous-marins habités pourraient prendre le relais de la plongée, lorsque celle-ci devient trop risquée, ou simplement à partir de la profondeur où cette plongée n’est plus possible.Quelques exemples d’interventions réussies de sous-marins, notamment en mer du Nord, peuvent être donnés.Au stade de l’exploration, les résultats de certaines campagnes de reconnaissance se sont caractérisés par des enseignements extrêmement précieux, concernant notamment la microtopographie du fond et la nature géologique du substratum.Au stade de l’exploitation, les sous-marins ont été utilisés pour la récupération de matériels abandonnés ou perdus au fond de la mer, pour aider à l’installation de matériels immergés. Certains sous-marins ont été équipés de matériels sophistiqués pour inspecter les conduites sous-marines et intervenir de multiples manières pour réparer, changer des anodes de protection cathodique, assister la pose qui nécessitera toujours de grandes plates-formes spécialisées.Cependant, aujourd’hui, l’industrie pétrolière n’utilise pratiquement plus de sous-marins, qui sont systématiquement remplacés par des robots.Les sous-marins pour grandes profondeursL’exploration sous-marine par engins habités a donc commencé réellement avec les bathyscaphes, qui ont permis d’atteindre en moins de dix ans, entre 1954 et 1962, les plus grandes fosses connues.À la suite de ces engins, lourds mais très performants, les divers utilisateurs, scientifiques et industriels, ont demandé des engins moins profonds, et surtout moins coûteux: on a donc assisté à un développement spectaculaire de plusieurs centaines de prototypes, presque tous différents les uns des autres, mais obéissant à une règle commune: ces petits sous-marins sont toujours transportés par un navire de surface, et leur autonomie est limitée à une dizaine d’heures, le nombre de passagers à quelques-uns.Les seules réalisations de cette période 1960-1980 susceptibles de plonger à plus de 2 000 mètres sont décrites succinctement ci-dessous.Le Deep Quest (Lockheed, 1967), le plus lourd de tous ces prototypes (47 t), est un engin à deux sphères construit à grands frais à des fins presque uniquement publicitaires: il pouvait plonger à 2 400 mètres (6 000 pieds).Les industriels américains ont construit à cette époque plusieurs sous-marins capables d’effectuer des transferts à pression atmosphérique d’équipages de sous-marins immobilisés au fond de la mer. Ces sous-marins sont couramment appelés D.S.R.V., pour deep sea rescue vehicle , et le premier d’entre eux fut le Deep Quest , qui permit ensuite de multiples mises au point (batteries de piles à combustibles, systèmes sophistiqués de régénération de l’air).Le sous-marin américain Alvin fut également un pionnier de l’exploration des océans: dessiné par Alan Vine du Woods Hole Oceanographic Institute, il fut d’abord limité à 1 800 mètres (1965), avec une sphère en acier, et fut équipé ensuite d’une sphère en titane lui permettant de plonger jusqu’à 4 000 mètres.La soucoupe plongeante du Cnexo, Cyana (1970), qui descend toujours jusqu’à 3 000 mètres de profondeur, fait aussi partie de ces premiers sous-marins profonds dont il faut noter le développement, surtout après 1980.On a vu naître alors une nouvelle génération de sous-marins profonds, qui marquent une nette évolution dans les matériaux utilisés, les équipements de navigation, de télémanipulation et de prélèvement, en constants progrès et, surtout, un perfectionnement considérable dans l’efficacité des plongées.On peut citer cinq sous-marins réalisés durant la même période, dans quatre pays différents, dont la profondeur maximale se situe à 6 000 mètres, et dont les travaux scientifiques ont apporté des résultats sensationnels depuis le milieu des années 1980:– Le Nautile , français (1984), d’un poids de 18,5 t: il est équipé d’une sphère en titane, étudié et construit conjointement par l’Ifremer (ex-Cnexo) et la Direction des constructions navales. C’est assurément le plus réussi de tous ces sous-marins profonds: bénéficiant d’un équipement complet de sonars, caméras, télémanipulateurs, il navigue sur champ de balises acoustiques, ce qui lui permet de calculer sa position indépendamment du navire support.– Le Sea Cliff américain, d’un poids de 25,4 t: équipé également d’une sphère en titane, il fut construit par l’U.S. Navy en 1964 et modifié en 1985.– Les Mir I et Mir II soviétiques devenus russes: réalisés en Finlande, ils sont utilisés actuellement en coopération avec la communauté internationale.– Le Shinkaï 6 500 japonais (26 t, timbré un peu plus profond que les précédents, mais cela est une question de choix du coefficient de sécurité) fut construit en 1989.Pourquoi avoir choisi cette profondeur maximale de 6 000 mètres, qui interdit l’exploration de la tranche d’eau entre 6 000 et 11 000 mètres, donc celle des plus grandes fosses? C’est que, malgré tout, cette profondeur permet d’atteindre 97 p. 100 de la surface des océans et fournit donc un bon rapport utilisation/coûts.Pour remplacer les bathyscaphes et plonger de nouveau jusqu’à 11 000 mètres, il faudra lancer un nouveau programme de réalisation d’un sous-marin à flotteur solide capable de résister à la pression de 1 100 kilogrammes par centimètre carré, l’engin devant être équipé d’une sphère qui sera peut-être réalisée en composite verre-résine, graphite-résine ou céramique de béryllium ou d’aluminium. Des travaux de recherche dans toutes ces directions sont en cours. Le seul obstacle à ce type de construction est aujourd’hui économique, et la communauté scientifique doit se concerter avant tout nouvel investissement dans ce domaine.L’immense champ de la recherche océanographique permet d’affirmer que l’avenir est assuré pour les engins existants, travaillant à plusieurs centaines de mètres jusqu’aux 6 000 mètres où nos chercheurs peuvent aller régulièrement.Le fond de la mer est encore très mal connu, et les quelques milliers de plongées effectuées par des sous-marins habités à plus de 2 000 mètres ne représentent que quelques dizaines de milliers d’heures, ce qui est du même ordre de grandeur que pour les séjours dans l’espace.Perspectives d’avenir des sous-marins civilsIl n’est jamais facile de prédire l’avenir en matière de recherche océanographique, mais le domaine est tellement vaste que l’on peut affirmer qu’il y aura toujours du nouveau à découvrir: il y aura donc développement simultané des sous-marins, de la plongée et des engins télécommandés, ces trois moyens d’intervention restant complémentaires.On vu que sous-marins et plongeurs étaient encore indissociables de leurs supports de surface, comme le sont les engins télécommandés. Même lorsqu’ils ne sont pas reliés par une liaison matérielle, leurs conditions d’utilisation sont limitées à des mers relativement calmes, mise à l’eau et récupération posant toujours des problèmes par mer agitée.Le «sous-marin autonome de grand déplacement» permettra de s’affranchir totalement de ces limitations: il sera capable de quitter le port et de le rallier par ses propres moyens, en surface ou en plongée, et de séjourner sur son lieu de travail au fond durant le temps nécessaire. Compte tenu de la présence des hommes dans ce sous-marin, il convient d’assurer la vie de l’équipage, sa subsistance, son couchage; c’est bien d’un véritable sous-marin océanographique qu’il s’agit.Un projet français avait été lancé en 1970 par le commandant Cousteau, avec le support de l’Institut français du pétrole (I.F.P.) et du Cnexo, l’Argyronète, capable de faire sortir par des sas six plongeurs, maintenus en pression dans un habitat pressurisé faisant partie intégrante du sous-marin. L’équipage à pression atmosphérique comportait six hommes vivant dans la seconde partie du sous-marin. Le déplacement était de 250 tonnes, la longueur de 30 mètres, l’immersion maximale de 600 mètres.Après un arrêt de plus de dix ans, dû à des difficultés financières, le projet fut repris par la Comex et l’Ifremer, et terminé sous la nom de S.A.G.A. (sous-marin d’assistance de grande autonomie). Le S.A.G.A. était équipé d’un moteur thermique du type Stirling, capable de fonctionner en plongée. Le 6 mai 1990 avait lieu au large de Toulon, pour la première fois au monde, la sortie de plongeurs d’un sous-marin travaillant par 316 mètres de profondeur: cet exploit était passé presque inaperçu aux yeux du grand public. Il constituait néanmoins une étape importante dans la conquête des profondeurs.Aujourd’hui, ce prototype de sous-marin porteur de plongeurs n’est plus en service, certainement trop coûteux et ne répondant pas à des besoins industriels. Les sous-marins de petit déplacement ne sont guère plus utilisés, mais ils sont remplacés par des systèmes télécommandés. En effet, l’industrie pétrolière installe maintenant ses équipements jusqu’à de très grandes profondeurs sans intervention de plongeurs ni de sous-marins habités, cherchant toujours la méthode la plus économique et qui permet d’éviter d’exposer des vies humaines.Mais qui peut dire si demain les sous-marins ne permettront pas de travailler, posés au fond de la mer, le temps voulu grâce à des sources d’énergie de type réacteur nucléaire? Et pourquoi des hommes revêtus de scaphandres rigides, plutôt que des plongeurs, ne sortiraient pas de ces sous-marins, puisque certains engins de ce type ont été essayés jusqu’à une profondeur de près de 1 000 mètres?
Encyclopédie Universelle. 2012.